Le laboratoire LaTIM de l’INSERM a développé un système intelligent d’acquisition des mouvements respiratoires, sans contact avec le patient. Une start-up, Ivanae Medical, est née de ce projet.
Le saviez-vous ? Les mouvements respiratoires s’étudient mieux au niveau du ventre que du thorax. Mais comment acquérir des informations sans attacher divers appareils directement sur le patient ? Cela fait plus de 20 ans que Dimitri Visvikis, aujourd’hui Directeur de Recherche à l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) et directeur du Laboratoire de Traitement de l’Information Médicale (LaTIM*) à Brest, se penche, entre autres, sur cette question. Actuellement, 130 personnes font vivre ce laboratoire, dont l’histoire se confond avec celle des avancées technologiques.
« Les systèmes multimodaux couramment utilisés regroupent divers types d’imagerie », résume Dimitri Visvikis « Notamment l’imagerie anatomique, c’est-à-dire le rayonnement X, et l’imagerie fonctionnelle, c’est-à-dire la Tomographie par Émission des Positons (TEP), utilisée couramment en oncologie. »
Le laboratoire travaille sur des approches visant à synchroniser ces différentes modalités d’imagerie, qui ont des temps d’acquisition très différents, afin de reconstituer une image en quatre dimensions (trois spatiales et une temporelle) des mouvements respiratoires. Une autre manière courante de collecte d’information sur la respiration est l’utilisation de la spirométrie, une technique qui consiste à souffler dans un masque pour évaluer la fonction pulmonaire.
De manière plus ciblée, le laboratoire s’est concentré sur la possibilité de collecter les informations de manière dite « surfacique », sans nécessiter de contact entre le dispositif de mesure de la respiration et le patient.
« Nous avons commencé en utilisant des caméras de profondeur dans le domaine de la radiothérapie pour assurer le repositionnement des patients atteints de cancer des poumons et mesurer les mouvements des tumeurs pendant les multiples séances de traitement », poursuit le chercheur. « En effet, lors de l’irradiation d’une tumeur, cette dernière se déplace légèrement au gré des mouvements respiratoires. Les médecins doivent donc prendre en compte ces mouvements pour ne pas toucher aux tissus sains. En résumé, l’irradiation doit être synchronisée avec les mouvements respiratoires, qui sont assez rapides. Les caméras les plus adaptées aujourd’hui sont dites à temps de vol, utilisant les signaux lumineux infrarouges et permettent de reconstituer un environnement en trois dimensions. »
La miniaturisation a progressé à tous les niveaux, rendant ces caméras plus petites et accessibles. La vitesse et la qualité de traitement des données ont également été améliorées. Le projet SDSP (Suivi dynamique de la surface du patient) a fait l’objet d’un brevet et plusieurs dépôts de logiciels.
En réanimation, un traitement adapté au mieux à la respiration du patient
Plusieurs évolutions du projet SDSP (Suivi dynamique de la surface du patient) ont permis son utilisation dans des applications au-delà de l’imagerie et la radiothérapie. Notamment, la collaboration entre le Dr Souha Nazir, étudiante en thèse sur la direction de Dimitri Visvikis au LaTIM, et le Pr Erwan L’Her, du service de réanimation du CHU de Brest, a permis la conception d’un dispositif non invasif et sans contact pour la récupération d’information en temps réel du volume pulmonaire pour les patients traités par oxygénothérapie.
Dans le cadre de ce projet, le laboratoire a déposé des brevets additionnels portant sur les algorithmes d’extraction des mesures de volume pulmonaire avec les informations surfaciques du patient.
En 2022, une start-up nommée Ivanae Medical a été créée, cofondée et dirigée par Souha Nazir et Erwan L’Her. Le dispositif actuel proposé par Ivanae Medical est particulièrement efficace pour les patients traités par oxygénothérapie haut débit (OHD). « La mesure du taux d’oxygénation des poumons permet d’ajuster le niveau d’oxygénothérapie fourni aux patients », explique Dimitri Visvikis.
Ce dispositif rassemble une petite caméra positionnée sur un chariot médical mobile et un système de traitement des données par intelligence artificielle laissant apparaitre une reconstitution visuelle des mouvements respiratoires ainsi que les volumes pulmonaires en temps réel sur un écran, même d’un patient habillé.
Les applications sont multiples et les perspectives prometteuses.
* Unité mixte de l’Inserm, de l’IMT Atlantique (Institut Mines-Telecom), de l’UBO (Université de Bretagne Occidentale) et du CHRU (Centre Hospitalier Régional Universitaire) de Brest.
Quel accompagnement de la part de la SATT Ouest Valorisation et autres acteurs de l’innovation ?
« Un programme de maturation a été financé par la SATT pour nous assurer de la robustesse des solutions entre 2018 et 2020 », détaille Dimitri Visvikis. Les travaux ont fait l’objet de 3 publications, un dépôt logiciel et un dépôt de brevet. Un produit prototype est mis à disposition depuis 2018 dans le service de réanimation du CHU de Brest avec pour objectif de valider la technologie et d’évaluer l’impact de réglage des débits d’oxygène sur le volume pulmonaire du patient. Ivanae Medical a levé pour l’instant environ 250 000 euros, mais plusieurs millions sont nécessaires pour aller au bout de l’aventure et repenser le suivi des capacités respiratoires des patients.