Désimperméabiliser pour renaturer les zones d’activité économique
Les zones commerciales privilégient le succès économique, au détriment d’un développement urbain vertueux et durable. À travers une thèse, le laboratoire Espaces et SOciétés (ESO) s’interroge sur le devenir de ce modèle hérité du XXe siècle et propose la renaturation des sols de ces zones.
« Un changement de paradigme qu’il faudra accompagner ». C’est ainsi qu’Arnaud Gasnier, professeur des universités en aménagement et urbanisme à l’Université du Mans, décrit l’imposant et même l’impressionnant défi que les pouvoirs publics et les opérateurs privés doivent relever en matière d’aménagement des zones d’activités économiques en France.
Tout y est à revoir : « Trop minérales… Trop étalées… Trop en souffrance pour certaines et très critiquées », expose Arnaud Gasnier.
Depuis un an, le laboratoire Espaces et SOciétés (ESO) encadre la thèse d’Alexis Morillas, paysagiste depuis onze ans au sein de l’agence d’architecture, d’urbanisme et de paysage « Rougerie + Tangram », présente à Marseille et à Paris.
Le sujet est d’actualité. La loi Climat et Résilience, adoptée en août 2021, vise à bloquer l’étalement urbain tentaculaire de ces zones et pousse au Zéro Artificialisation Nette (ZAN), un objectif qui doit légalement être atteint en 2050.
Arnaud Gasnier interroge : « Comment peut-on appliquer cette loi? Comment revoir nos vieux modèles datant du début du XXe siècle ? Comment revenir en arrière et repenser ces zones d’activités dans une fabrique de la ville plus vertueuse sur le plan environnemental ? ».
Pour le professeur comme pour le doctorant, une partie de la solution tient en deux mots : désimperméabilisation et renaturation.
Penser la ville en fonction de la nature
Arnaud Gasnier s’amuse : « Alexis Morillas va moins s’occuper des pleins que des vides !» En effet, c’est en étudiant le devenir des parkings, des voies de desserte et des surfaces de stockage que le doctorant va pouvoir développer un concept qu’il nomme « nature-urbanisme » : il s’agira pour lui de penser la ville en fonction de la nature plutôt que la nature en fonction de la ville.
Alexis Morillas va d’abord achever une première phase d’étude sur des cas existants d’aménagement de zones d’activités, puis il passera à une phase d’expérimentation sur deux sites au moins: l’un est à Aubagne (Bouches-du-Rhône), l’autre au Mans (Sarthe). Tous deux sont occupés par des centres commerciaux Auchan, dont le bureau d’étude et de promotion immobilière (Nhood) et la société foncière (Ceetrus) débutent une réflexion sur leur réaménagement, et Rougerie +Tangram y porte « une attention toute particulière ». Arnaud Gasnier explique : « De nos jours, tout le monde sent que le vent tourne, les acteurs politiques sont même désemparés face à ce virage. S’il est connu que l’action publique recherche de nouveaux principes d’aménagement urbain plus vertueux sur le plan environnemental, la sphère privée (promoteurs de l’immobilier commercial, exploitants, grande distribution, etc.) est aussi en quête de nouveaux modèles. Celui de l’hypermarché tel qu’on le connait est sur sa fin et nécessite une recomposition tant sur le plan socio-économique que sur le plan urbain et architectural ».
Et pourquoi faudrait-il continuer de limiter ces zones à une activité commerciale ? « Effectivement, nous pouvons y agréger d’autres fonctions : la nature, le sport, la promenade, et, pourquoi pas, le logement », complète Arnaud Gasnier.
Par exemple, si les transports collectifs se multiplient sur ces zones, les consommateurs et travailleurs auront un besoin moindre de leur automobile et la surface de parking diminuera. Ces espaces gagnés pourront alors être dédiés à d’autres fonctions.
« La logique de zones issue de la Charte d’Athènes de 1933 (élaborée sous l’égide de Le Corbusier) reste encore trop prégnante. Il faut aujourd’hui sortir de tout cela, notamment grâce à de nouveaux modèles de renaturation, à trouver », conclut le chercheur.
Quel accompagnement de la part de la SATT Ouest Valorisation ?
Selon Arnaud Gasnier, « la SATT a accompagné le montage du projet et a fait le lien entre le bureau d’étude et l’université, rapprochant ainsi ces sphères de réflexion. Il faut savoir que les bureaux d’études, que ce soit en aménagement, architecture, urbanisme ou paysage développent de plus en plus leur propre service de Recherche et Développement. Ils font appel à du personnel doctorant ou ayant déjà un bac +8 ou 9 et nous font des offres de services financières qui pallient la stagnation des financements publics. La thèse d’Alexis Morillas est financée pour moitié par l’agence Rougerie et Tangram et pour moitié par le dispositif France Relance ».