Diagnostiquer au plus vite les pneumonies nosocomiales
Pour limiter le recours aux antibiotiques et aider au diagnostic, le CHU de Nantes et le laboratoire CR2TI ont élaboré une méthode de dépistages des pneumonies contractées à l’hôpital, redoutables et difficiles à diagnostiquer. Décryptage.
Projet lauréat des Trophées Valorisation de la Recherche Publique Nantes pour le Prix Transfert
C’est à un besoin mondial, crucial, bien identifié et non pourvu qu’une équipe du CHU de Nantes et du laboratoire CR2TI[i] a essayé de répondre. « La principale complication infectieuse chez les patients en réanimation, ce sont les pneumopathies acquises à l’hôpital », entame Karim Asehnoune, professeur des universités, praticien hospitalier et chef du service anesthésie – réanimation à l’hôpital Hotel-Dieu et Mère-Enfants de Nantes[ii].
« Il s’agit d’une pathologie très difficile à identifier : le diagnostic doit répondre à divers critères cliniques, radiologiques, biologiques et nous n’avons jamais de certitudes. »
L’enjeu est de taille : les pneumopathies acquises à l’hôpital touchent 300 000 patients par an et représentent un coût important pour la société, 30000 euros par patient en moyenne.
Bien entendu, si la maladie n’est pas diagnostiquée, cela agit sur le devenir des patients. À l’inverse, si elle est détectée de manière abusive, la consommation d’antibiotiques est augmentée tout aussi abusivement, dans un contexte où l’antibiorésistance fait l’objet d’un plan mondial de lutte par l’Organisation mondiale de la santé.
Karim Asehnoune et Antoine Roquilly, aussi professeur des universités, praticien hospitalier et chercheur au CR2TI, ont donc développé la technologie DRIP (Diagnostic Rapide d’Infection Pulmonaire Précoce).
La technologie DRIP en cours de transfert
« C’est un projet initié dans les années 2005-2006 notamment par une physicienne, Marie-Pierre Fontaine Aupart[iii]. Jusqu’ici, nous avions des biomarqueurs centrés sur les bactéries ou les virus, mais aucun biomarqueur simple, focalisé sur les cellules pulmonaires du patient. Or, lorsque le poumon est agressé par une pneumonie nosocomiale, les cellules immunitaires (polynucléaires neutrophiles) ont une autofluorescence qui se modifie et nous l’avons démontré en travaillant étroitement avec le laboratoire ISMO. L’originalité de la méthode est qu’elle est spécifique d’une enzyme particulière qui est activée lors de l’infection et cette autofluorescence est détectée dans les ultra-violets. »
Après avoir travaillé sur des cellules humaines, les chercheurs ont vérifié la validité de leur méthode chez l’animal, pour lequel ils ont trouvé une « différence d’autofluorescence majeure entre un animal infecté et un animal non infecté ».
Enfin, ils ont utilisé leur biobanque de cellules hébergée par le CHU de Nantes pour confirmer leurs hypothèses.
« Il faut maintenant valoriser cette découverte et la rendre utile », ajoute Karim Asehnoune.
La dernière licence qu’ils ont déposée porte sur l’ensemble de la méthode allant du prélèvement des cellules du patient jusqu’à la mise en place des cellules sur lame, afin qu’elles soient « lues » par un laser. « Nous avons aussi développé, à l’aide d’un prestataire, un logiciel qui nous donne le niveau de risque que le patient soit infecté ou non. ».
Il s’agit donc d’un kit complet de diagnostic, basé sur la réponse immunitaire du patient.
La méthode est en cours de transfert auprès de différentes entreprises comme, par exemple, la société de biotechnologie Olgram, qui propose un traitement immunostimulant à partir d’algues vertes, pour traiter différentes infections. « Notre technologie permettra d’évaluer le risque que le patient contracte une pneumonie nosocomiale. »
Par la suite, l’innovation va pouvoir s’étendre à de multiples infections. « Nous nous sommes penchés sur l’une des pathologies les plus difficiles à diagnostiquer, mais potentiellement toutes les infections (méningites, infections urinaires) donnant lieu à un prélèvement peuvent être concernées par cette technologie ».
Quel accompagnement de la part de la SATT Ouest Valorisation ?
« La SATT aide à financer les différentes phases expérimentales : la phase technique, la phase algorithmique, pour laquelle un prestataire a conçu le logiciel, et la phase préclinique.
Elle nous a aussi accompagnés pour le dépôt de licence. Aujourd’hui, elle nous aide à chercher des entreprises et à dialoguer avec elles. »
[i] Center for Research in Transplantation and Translational Immunology, UMR 1064 INSERM/Université de Nantes
[ii] Président de la Commission médicale du CHU de Nantes et nouvellement élu président-administrateur du Comité national de coordination de la recherche (CNCR)
[iii] Institut des sciences moléculaires d’Orsay – ISMO UMR CNRS 8214, Université Paris-Saclay