Au sein des laboratoires de recherche, des personnels non-salariés des établissements de recherche tutelles de ces laboratoires (stagiaires, émérites, doctorants non-salariés, étudiants), que nous qualifierons par commodité les « inventeurs/auteurs libres » peuvent contribuer à l’obtention de résultats protégeables par un droit de propriété intellectuelle (brevet, logiciel…).
Avant l’ordonnance N°2021-1658 du 15 décembre 2021 et l’article Article L 952-11 du code de l’éducation issu de la loi N° 2020-1674 du 24 décembre 2020 sur les émérites, les droits de propriété intellectuelle des brevets et logiciels développés par ces inventeurs/auteurs libres leur appartenaient en propre, conformément au code de la propriété intellectuelle.
En parallèle, comme nous l’exposons dans notre article sur la titularité des droits de propriété intellectuelles des personnels de recherche salariés/agents pour les inventions de missions et les logiciels, ces mêmes droits de propriété intellectuelle appartiennent à l’employeur du personnel de recherche. Ce double régime pouvait poser des difficultés en cas de projet de valorisation des résultats.
Aussi, ces nouveaux textes se sont saisis de cette problématique et sous certaines conditions le régime de la propriété intellectuelle des inventeurs/auteurs libres rejoint désormais celui des personnels de recherche, modulo que des textes d’application sont attendus pour clarifier le régime de rémunération des inventeurs/auteurs libres.
LES auteurs libres de logiciel
Concernant les auteurs libres de logiciel, le régime de titularité des droits de propriété intellectuelle du logiciel est désormais précisé dans le nouvel article L113-9-1 du code de la propriété intellectuelle issu de l’Ordonnance n° 2021-1658 du 15 décembre 2021. Cet article est applicable depuis le 17 décembre 2021. Il précise que les droits de propriété intellectuelle du logiciel et sa documentation développés par un auteur libre sont dévolus à sa structure d’accueil aux conditions suivantes :
- l’auteur libre n’est pas employé d’une autre structure et n’agit pas dans l’exercice de ses fonctions auprès d’un employeur ou d’après les instructions d’un employeur
- l’auteur libre est accueilli au sein du laboratoire, il est donc présent dans l’organisation de la structure d’accueil que ce soit en présentiel ou distanciel
- l’accueil s’effectue dans le cadre d’une convention avec une personne morale (publique ou privée) réalisant de la recherche qui porte notamment sur l’accueil
- la création du logiciel doit avoir lieu dans l’exercice des missions de l’auteur ou d’après les instructions de la structure d’accueil
- l’auteur libre est placé sous l’autorité d’un responsable de la structure d’accueil
- l’auteur libre doit percevoir une contrepartie à l’égard de cette structure d’accueil
Le texte ne précise pas la nature de la contrepartie à accorder à l’auteur du logiciel. Il faudra étudier lorsqu’ils seront disponibles le ou les textes d’application (décret/arrêté) de l’ordonnance pour savoir ce qu’il convient de mettre en place. Il faut donc comprendre de ce texte, que si ces conditions ne sont pas remplies et notamment si aucune convention en amont de l’accueil n’est signée avec l’auteur libre, l’établissement de recherche qui souhaite valoriser des résultats dont un auteur libre est auteur ou co-auteur devra signer un contrat de cession de droits avec l’auteur libre pour pouvoir valoriser le résultat.
LES inventeurs libres d’une invention
Concernant les inventeurs libres, le régime de titularité des droits de propriété industrielle d’une invention est précisé dans le nouvel article L611-7-1 du code de la propriété intellectuelle issu de l’Ordonnance n° 2021-1658 du 15 décembre 2021 . Cet article est applicable également depuis le 17 décembre 2021. Il est construit selon deux régimes analogues au régime de droit commun des inventions, à savoir le régime des inventions de mission et le régime des inventions hors mission attribuable.
Synthèse de l’article L611-7 du code de la propriété intellectuelle
Conditions communes au Régime 1 et au Régime 2
✔ un inventeur non salarié => stagiaires, doctorants non-salariés, étudiants…
✔ bénéficiant d’un accueil, présence dans l’organisation de la structure d’accueil que ce soit en présentiel ou distanciel
✔ dans le cadre d’une convention avec une personne morale (publique ou privée) réalisant de la recherche
Régime 1 type “invention de mission”
✔ inventions réalisées dans l’exécution soit d’une convention comportant une mission inventive qui correspond à ses missions effectives, soit d’études et de recherches qui lui sont explicitement confiées
➡ les droits de propriété sur l’invention appartiennent à la structure d’accueil (dévolution automatique)
Attente d’un décret d’application sur la rémunération de l’inventeur libre
Régime 2 type invention type “hors mission attribuable”
✔ invention réalisée par la personne physique :
a) soit dans l’exécution de ses missions et activités
b) soit dans le domaine des activités confiées par cette personne morale
c) soit par la connaissance ou l’utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à cette personne morale, ou de données procurées par celle-ci
➕ L’inventeur doit obtenir un juste prix, le texte n’apporte pas de précisions sur cette notion de juste prix.
➡ droits pour la structure d’accueil de se faire attribuer la propriété ou la jouissance des droits sur l’invention selon des modalités qui seront définies par décret
Un texte spécifique concernant les Emérites
L’Article L 952-11 du code de l’éducation issu de la loi N° 2020-1674 du 24 décembre 2020, applicable depuis le 27 décembre 2020, prévoit que les inventions et logiciels développés par un émérite ont le même régime de titularité des droits de propriété intellectuelle que celui des inventions et logiciels des personnels de recherche salariés. C’est ce que veut dire la formule suivante de l’alinéa 4 de cet article :
« Les professeurs émérites sont assimilés aux fonctionnaires et agents publics pour l’application des dispositions du code de la propriété intellectuelle ; ils sont notamment soumis aux dispositions des articles L. 113-9 et L. 611-7 du même code pour les logiciels et inventions à la création ou à la découverte desquels ils ont contribué dans le cadre de leur éméritat. »
Nous vous renvoyons donc à notre article sur la titularité des droits de propriété intellectuelle des personnels de recherche qui détaille ce régime.
Cependant l’application de cet alinéa 4 requiert certaines conditions préalables que nous vous détaillons ci-dessous :
- Pour commencer, il faut un personnel agissant dans le cadre de son éméritat.
L’éméritat est un titre permettant, à un professeur des universités admis à la retraite, de continuer à apporter son concours à titre accessoire et gracieux aux missions prévues à l’article L. 123-3 du code de l’éducation. On peut citer notamment la formation, la recherche, la diffusion et la valorisation de résultat, l’expertise…
- Par ailleurs, il faut qu’ait été mise en place une convention appelée par l’article L 952-11 du code de l’éduction « convention de collaborateur bénévole », fixant les conditions de la présence de l’émérite au sein de l’établissement.
Pour être complet, un article équivalent, provenant aussi de la loi N° 2020-1674 du 24 décembre 2020 existe également pour les directeurs de recherche qui deviennent émérites, il s’agit de l’article L422-2 du code de la recherche, applicable aussi depuis le 27 décembre 2020.