La titularité des droits de propriété intellectuelle des personnels de recherche - Ouest Valorisation

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La titularité des droits de propriété intellectuelle des personnels de recherche

Que vous ayez développé une invention ou un logiciel, que ce soit le résultat d’une recherche propre de votre laboratoire, ou d’un projet de recherche avec des partenaires socio-économiques, l’un des enjeux importants de la protection de vos actifs de propriété intellectuelle est la détermination de la titularité des droits.

Déterminer la titularité des droits, signifie identifier qui sont les (co)-propriétaires ou personnes physiques ou morales, disposant des droits sur un objet de propriété intellectuelle, tel qu’un brevet ou un logiciel.

Attention, le titulaire des droits et l’inventeur ou auteur ne sont pas synonymes ! S’agissant en particulier des inventions de salariés, la loi prévoit des règles précises !

 Le(s) (co)propriétaire(s) d’un brevet

Le principe : Les principes relatifs au droit au titre en matière de brevet sont inscrits dans le Code de la propriété intellectuelle, aux articles L611-6 à L611-9. Ainsi, l’article L611-6 du Code de la propriété intellectuelle pose le principe que « le droit au titre […] appartient à l’inventeur […] ».

Les inventions de salariés : Le cas spécifique des inventions réalisées par des salariés est prévu à l’article suivant qui dispose que les droits sur l’invention appartiennent à l’employeur (L611-7 du Code de la propriété intellectuelle), sous certaines conditions. On distingue ainsi 3 catégories d’inventions réalisées par un salarié :

  • L’invention de mission
    Il s’agit des inventions réalisées dans le cadre d’un contrat de travail comportant une mission inventive, ou dans le cadre d’études ou de recherche explicitement confiées au salarié. Ces inventions appartiennent à l’employeur. L’employeur doit informer le salarié en cas de dépôt d’une demande de titre de propriété industrielle. Le salarié peut bénéficier d’une rémunération supplémentaire si cela est prévu par la convention collective, l’accord d’entreprise, ou son contrat de travail.
  • L’invention hors mission
    Il s’agit d’une invention réalisée par le salarié dans un cadre extérieur à son travail et à ses missions. Dans ce cas, c’est bien le salarié qui est propriétaire de son invention.
  • L’invention hors mission attribuable :
    Ce cas spécifique vise une invention réalisée par un salarié non dans le cadre de sa mission inventive mais
    ✔ soit dans le cours de l’exécution de ses fonctions ;
    ✔ soit dans le domaine des activités de l’entreprise ;
    ✔ soit par la connaissance ou l’utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l’entreprise, ou de données procurées par elle.
    L’employeur a le droit de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits d’une telle invention, en contrepartie d’un juste prix pour le salarié.

Un principe applicable aux personnels de recherche : Cette règle de dévolution automatique des droits à l’employeur s’applique aux personnels de recherche via l’article L611-7 alinéa 5 du Code de la propriété intellectuelle précisant que ces règles « sont également applicables aux agents de l’Etat, des collectivités publiques et de toutes autres personnes morales de droit public ».

La copropriété : S’il existe une collaboration dans la réalisation de l’invention, plusieurs personnes seront alors considérées comme inventrices de l’invention et leurs employeurs et/ou établissements tutelles seront ainsi copropriétaires de la demande de brevet / du brevet. La copropriété peut également résulter d’un accord entre les parties à un projet tel que fixé contractuellement en amont, par exemple dans un contrat de collaboration de recherche ou un accord de consortium.
Dans le cas d’une copropriété, il faudra alors établir un accord de copropriété entre les copropriétaires, pour y définir les règles de gestion du brevet, et ses modalités d’exploitation, par les copropriétaires ou un tiers.

Le cas particulier du logiciel

Du droit d’auteur avec ses spécificités : Le logiciel est une œuvre de l’esprit protégée par le droit d’auteur (Article L 112-1 du code de la propriété intellectuelle), dont les droits sont dévolus automatiquement à l’employeur lorsque le contributeur l’a développé dans le cadre de son activité salariée (article L113-9 du code de la propriété intellectuelle alinéa 1).
En effet, l’article L113-9 du code de la propriété intellectuelle dispose que « les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à l’employeur qui est seul habilité à les exercer ».
La dévolution automatique des droits à l’employeur suppose donc que l’une ou l’autre des conditions suivantes soit réunie :

  • La réalisation du logiciel dans l’exercice des fonctions de l’employé
  • D’après les instructions de son employeur

Un principe applicable aux personnels de recherche : Cette règle de dévolution automatique des droits à l’employeur s’applique aux personnels de recherche via l’article L113-9 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle précisant que cette règle « est également applicable aux agents de l’Etat, des collectivités publiques et des établissements publics à caractère administratif ».

La copropriété : S’il existe une collaboration dans la réalisation du logiciel, plusieurs personnes peuvent être considérées comme auteurs et leurs employeurs et/ou établissements tutelles seront ainsi coindivisaires du logiciel (= la notion « d’indivisaire » est le pendant de celle de copropriétaire, mais pour le logiciel !). La copropriété peut également résulter d’un accord entre les parties tel que fixé contractuellement en amont, par exemple dans un contrat de collaboration de recherche ou un accord de consortium.
Dans ce cas, il faudra alors établir une convention d’indivision entre les indivisaires, pour y définir les règles de gestion du logiciel et ses modalités d’exploitation.

La titularité des droits sur une base de données

En matière de base de données, Il existe un droit propre aux bases de données dit « droit sui generis » qui accorde des droits au producteur de la base de données (Articles L341-1 à L343-7 du Code la propriété intellectuelle). C’est bien ce producteur qui est donc titulaire des droits sur la base de données.

La condition de la titularité : les investissements
Le producteur de la base de données est défini comme « la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants ». Il « bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel ».
En revanche, cet investissement ne doit pas correspondre aux moyens utilisés pour créer des éléments constitutifs du contenu de la base. En somme, il ne doit pas servir à la création des données elles-mêmes.
De fait, le producteur de la base de données est « propriétaire » de celle-ci, il est titulaire de ses droits d’exploitation.

La copropriété : S’il existe une collaboration dans la constitution de la base, plusieurs personnes pourront être considérées comme productrices et être ainsi copropriétaires de la base de données, si elles remplissent les conditions légales. La copropriété peut également résulter d’un accord entre les parties tel que fixé contractuellement en amont, par exemple dans un contrat de collaboration de recherche ou un accord de consortium.
En présence de plusieurs copropriétaires, comme pour un logiciel ou brevet, il faudra alors établir un accord de copropriété entre ces personnes, pour y définir les règles de gestion et d’évolution de la base de données, ainsi que les règles encadrant les modalités d’exploitation de la base de données par les copropriétaires et les tiers.

Rappel : Une base de données peut également cumuler sa protection sui generis, avec d’autres éléments de propriété intellectuelle.
Prenons l’exemple de Shazam : la base de données contient des œuvres qui elles-mêmes sont protégées de façon autonome par le droit d’auteur. La base de données Shazam est donc la « propriété » de la société Shazam Entertainment Limited, qui le distribue, tandis que tous les artistes dont les chansons ou titres sont utilisées restent bien titulaires de leurs droits d’auteur.

La titularite d’une œuvre (hors logiciel)

Les œuvres protégées par le droit d’auteur : Le droit d’auteur protège les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination (Article L112-1 du code de la propriété intellectuelle). Le code de la propriété intellectuelle donne une liste non exhaustive de ces œuvres (Article L112-2), parmi lesquelles on trouve notamment les œuvres auxquelles on pense classiquement comme les livres, les compositions musicales, les œuvres de peinture ou les œuvres cinématographiques, mais également les écrits scientifiques et les conférences.
Les personnels de recherche peuvent donc être concernés par le droit d’auteur hors logiciel.

Les principes du droit d’auteur : Les œuvres de l’esprit sont protégées par le droit d’auteur, cette qualité d’auteur appartenant, sauf preuve contraire, à la personne sous le nom de laquelle l’œuvre est divulguée (Article L113-1 du code de la propriété intellectuelle). Cette personne est donc par principe titulaire des droits de propriété sur l’œuvre.
Concernant les établissements publics de recherche, il existe deux règles qui viennent compléter ce texte général.

Une règle pour les agents de l’Etat hors enseignants-chercheurs et chercheurs : Tout d’abord l’article L131-3-1 du code de la propriété intellectuelle précise pour les agents de l’Etat que dans la mesure strictement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions reçues, le droit d’exploitation d’une œuvre est, dès la création, cédé de plein droit à l’Etat.
Toutefois, l’article ajoute par ailleurs que pour l’exploitation commerciale de l’œuvre, l’Etat ne dispose envers l’agent auteur que d’un droit de préférence. Cela signifie que l’exploitation commerciale des droits n’est pas dévolue automatiquement à l’Etat, l’Etat doit faire une démarche de demande auprès de son agent s’il veut en faire une exploitation commerciale.
Cependant, ce deuxième point est tempéré par un troisième point dans l’article qui indique que cette disposition n’est pas applicable dans le cas d’activités de recherche scientifique d’un établissement public à caractère scientifique et technologique ou d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, lorsque ces activités font l’objet d’un contrat avec une personne morale de droit privé. Cette règle permet aux établissements de se voir attribuer les droits d’auteurs des agents dans le cadre de collaboration avec des tiers.

Une règle pour les enseignants-chercheurs et les chercheurs : Par ailleurs, l’article L111-1 alinéa 4 du code de la propriété intellectuelle précise notamment que l’article L131-3 du code de la du code de la propriété intellectuelle ci-dessus ne s’applique pas aux agents auteurs d’œuvres dont la divulgation n’est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l’autorité hiérarchique. En résumé, les enseignants-chercheurs et les chercheurs restent titulaires des droits de propriété des œuvres de l’esprit hors logiciel qu’ils réalisent dans l’exercice de leur fonction, à savoir par exemple les publications scientifiques, ouvrages, posters…C’est pourquoi, ils sont en droit de signer une cession de leur droit d’auteur auprès des éditeurs qui les publient.
Pour être tout à fait complet, on trouve également (Articles L113-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle) :

  • L’œuvre de collaboration : Il s’agit d’une œuvre créée par plusieurs personnes physiques, et qui est donc la copropriété de ces coauteurs.
    Exemple : une bande-dessinée collaboration d’un scénariste et d’un dessinateur, ou une œuvre cinématographique.
  • L’œuvre composite (parfois également appelée œuvre dérivée) : Il s’agit d’une œuvre à laquelle est incorporée une autre œuvre, sans que l’auteur de cette œuvre n’ait collaboré. Cette œuvre composite est la propriété de l’auteur l’ayant réalisée, sous réserve bien sûr des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante.
    Exemple : un arrangement musical ou une traduction.
  • L’œuvre collective : Il s’agit d’une œuvre créée à l’initiative d’une personne (physique ou morale), qui l’édite, la publie et la divulgue sous son nom, et dans laquelle les contributions personnelles des différents auteurs ayant participé se fondent dans l’ensemble, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun un droit distinct sur l’œuvre dans son ensemble. Cette œuvre collective est la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. En revanche, chaque auteur conserve les droits d’auteur sur sa propre contribution.
    Exemple : un journal ou une encyclopédie.

Fun fact : Les auteurs d’œuvres pseudonymes ou anonymes jouissent des mêmes droits d’auteur que tout auteur (Article L113-6 du code de la propriété intellectuelle).

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